Le manichéisme, qu’est-ce que c’est ? C’est l’adhésion à la croyance selon laquelle le monde est divisé en deux entités distinctes : le bien absolu et le mal absolu. Dans le genre de la fantasy ou des dessins animés, le manichéisme est souvent une caractéristique prédominante, du moins dans certains cas et parfois en voyance.
De nos jours, des œuvres littéraires et cinématographiques telles que « L’École du bien et du mal » ou « Harry Potter » nous présentent une perspective philosophique et morale radicalement différente. Prenons par exemple les personnages des professeurs Rogue et Dumbledore, qui sont des reflets l’un de l’autre. Rogue commet des actes répréhensibles, mais avec une intention juste et bénéfique envers Harry Potter, tandis que Dumbledore effectue des actions bienveillantes, mais avec des intentions qui peuvent être considérées comme douteuses ou discutables sur le plan moral. Cela ne les rend pas complètement bons ou mauvais, cela les rend humains. Cette palette de nuances, c’est un mélange de bien et de mal, mais ce qui compte finalement, n’est-ce pas le tableau entier qu’ils créent avec leurs actions et intentions ? Celui qu’on aimait détester n’est-il pas un vrai héros ?
Cet héritage littéraire de remise en question du manichéisme ne date pas d’aujourd’hui. Dans l’un des romans fondateurs de la fantasy, « L’Utopie » de Thomas More, publié en 1516, il était question d’une société idéale dont la finalité n’était autre que la dystopie, une société totalitaire qui brime la liberté. Ce livre est donc le berceau du genre dystopique. N’est-ce pas là la réflexion sur les intentions et les actions de chacun, et jusqu’où peut s’étendre la moralité ?
Le dualisme moral, incarné par les notions de Bien et de Mal, de bon et de mauvais, de positif et de négatif, constitue une constante universelle, transcendant les époques et les cultures. Toutefois, doit-il être convenu de reconnaître que ces concepts ne sont pas immuables ? Ils se transforment, évoluent et prennent des significations différentes selon le contexte historique, géographique et culturel. La dichotomie moraliste, souvent qualifiée de manichéenne, mérite d’être examinée à travers le prisme du Manichéisme pour en saisir toute la complexité, autant dans la voyance, que la magie, la sorcellerie, l’énergétique, l’occultisme, l’ésotérisme et la spiritualité.
Mais d’où vient concrètement le manichéisme ?
Au IIIe siècle de notre ère, Mani, un jeune Iranien, établit une religion fondée sur une doctrine dualiste qui prône l’union des opposés — le bien et le mal, l’esprit et la matière — à la suite de ce qui fut interprété comme l’apparition d’un ange. Ce dualisme fait écho au Taoïsme, notamment à travers les concepts de Yin et de Yang, qui représentent une autre forme d’interprétation, une sorte d’homoplasie culturelle et sociale. À l’inverse de la vision occidentale, qui tend à séparer et opposer, l’Extrême-Orient conçoit cette dualité comme une invitation à l’assimilation, à la non-dissociation, voire à l’harmonie des contraires, suggérant que la division est antithétique à l’unité fondamentale de l’existence.
Le manichéisme, en tant que courant de pensée, se présente comme un syncrétisme intégrant des éléments du judaïsme, du bouddhisme, du brahmanisme, du christianisme, ainsi que du zoroastrisme, religion prédominante de l’Empire perse sassanide où le manichéisme a vu le jour. Selon sa doctrine, les principes du Bien et du Mal sont envisagés comme des entités autonomes et intrinsèques à la réalité.
Le manichéisme, souvent perçu et qualifié d’« hérésie » ou de secte chrétienne, se définit en réalité comme une religion à part entière. Il s’agit d’une religion dualiste par nature et gnostique par essence, qui, du fait de son originalité intrinsèque, se distingue nettement des autres courants religieux. Néanmoins, peut-on noter que cette religion, ainsi que les courants dualistes similaires, ne subsiste plus de manière significative dans le monde contemporain ? La conceptualisation du Bien et du Mal a été l’objet d’analyses approfondies par de grands penseurs, philosophes, épistémologues et scientifiques, aboutissant à un consensus : les notions de Bien et de Mal sont le fruit d’une construction sociale.
Saint Augustin, fervent opposant du manichéisme, soutenait que le mal représente non pas une force autonome, mais plutôt l’absence du bien. Platon, quant à lui, considérait le mal comme le produit de l’ignorance et non comme une entité distincte. Patrick Clervoy, éminent psychiatre, a affirmé que cette dichotomie entrave la compréhension des complexités inhérentes à la réalité. Friedrich Nietzsche a critiqué le manichéisme pour sa simplification excessive, ne disait-il pas : « Il n’y a pas de phénomènes moraux rien qu’une interprétation morale des phénomènes […] la moralité n’est que l’instinct grégaire individuel » ? Il considérait cela comme une vision naïve de la jeunesse, et a interprété le Bien et le Mal non pas comme des absolus, mais comme des constructions humaines. Baruch Spinoza a également rejeté l’idée de Bien et de Mal absolus, de même que les concepts de Beauté et de Laideur, arguant qu’ils découlent d’un jugement humain et résultent de l’ignorance de la véritable nature des choses, de leurs nuances, de leurs différences et de leur complexité. Cette perspective est largement partagée… devrions-nous alors souligner que dans la nature, les catégories de bien et de mal n’existent pas ? Un lion chasse. Un lion tue. Le lion, est-il méchant ? Se défendre, se nourrir, obéir à son instinct, voilà le lion. Il obéit à sa nature. Il n’y a ni bien ni mal. Ce ne sont que des jugements, des constructions sociales qui répondent à nos émotions et aux normes établies pour maintenir l’harmonie au sein de la société.
Dans notre société, les perceptions du bien et du mal sont en perpétuelle évolution, ce qui était considéré comme répréhensible peut devenir acceptable, et inversement. À titre d’exemple, les pratiques des haruspices, qui consistaient en la divination par les entrailles d’animaux, n’étaient-elles pas estimées durant l’Antiquité, et plus aujourd’hui ? De même, la voyance, autrefois condamnée par l’Église catholique comme une forme de sorcellerie pour son désir de dévoiler le plan divin, n’est-elle pas désormais une pratique répandue ?
Il convient de rappeler que les persécutions historiques, communément appelées « chasses aux sorcières », étaient principalement fondées sur des jugements d’intention. Ce type de jugement représente à la fois un biais cognitif et un argument fallacieux, car il est formulé en l’absence de preuves tangibles d’actes et des conséquences découlant de ces actes. Dans le domaine juridique, l’évaluation d’une intention est reconnue comme une tâche extrêmement ardue, ce qui implique la nécessité de déterminer l’action avant de pouvoir établir l’intentionnalité. En fin de compte, ce qui est jugé comme étant positif ou négatif n’est que relatif et subjectif, et dépend d’une appréciation personnelle ou sociétale en fonction des « crimes », des droits et des devoirs. Ainsi, la complexité de juger une intention souligne l’importance de l’objectivité et de la prudence dans l’application de la loi.
Du point de vue de la voyance, la vision manichéenne peut sembler simpliste et réductrice. La voyance, en tant qu’art divinatoire, se fonde sur la perception d’énergies subtiles et la compréhension des multiples facettes de la réalité. Les voyants ne cherchent-ils pas à voir au-delà des apparences et à capter les informations non locales qui composent les événements et les comportements humains ?
En voyance, rien n’est totalement noir ou blanc. Les voyants et voyantes reconnaissent que chaque individu possède une part de lumière et une part d’ombre ainsi que toute une palette de nuance de gris et de couleurs. Ils et elles voient le potentiel de transformation et de croissance dans chaque situation, même dans celles qui semblent initialement négatives. Ainsi, la voyance invite à dépasser la dichotomie rigide du bien et du mal et l’argument fallacieux du faux dilemme pour embrasser une vision plus intégrée et globale de la réalité.
Par ailleurs, la voyance ne met-elle pas l’accent sur le libre arbitre et la responsabilité personnelle ? Plutôt que de catégoriser les événements comme entièrement bons ou mauvais, les voyants encouragent les individus à comprendre les leçons cachées derrière chaque expérience et à utiliser leur pouvoir de choix pour façonner leur destinée. Cette perspective encourage une attitude proactive et réfléchie, loin du fatalisme que peut engendrer une vision manichéenne du monde.
Cependant, dans les courants de l’ésotérisme moderne et de la spiritualité contemporaine, le manichéisme demeure prégnant. L’utilisation fréquente des termes « énergies positives ou négatives », « magie blanche et magie noire » témoigne de la persistance de cette dichotomie, souvent considérée comme un faux dilemme, un argument fallacieux et un biais cognitif. Cette tendance trouve ses racines dans la Société Théosophique et l’Anthroposophie de Steiner, précurseurs du mouvement New Age, qui, par une démarche de simplification, cherchent à enrôler leurs adeptes dans un combat imaginaire contre le mal, justifiant ainsi leurs actions et l’existence de leur mouvement. Ce qui n’est pas sans rappeler le Karma des Théosophes et ses dérivés comme la Loi de l’Attraction, le Triple Retour en Choc… Qui ne sont que l’expression d’un biais cognitif majeur : la croyance en un monde juste, détournant le concept originel du karma qui est l’équivalent de la loi de causalité.
Dans les véritables enseignements occultes, le dualisme manichéen est souvent vu comme une étape primaire de la compréhension spirituelle. Les occultistes apprennent que le bien et le mal sont relatifs et que chaque individu possède les deux en eux et en elles. Cette perspective encourage une intégration et une transcendance des dualités apparentes pour s’élever spirituellement. Cela ne fait-il pas partie intégrante du rituel d’initiation dans les traditions ésotériques ?
Les pratiques occultes, telles que l’alchimie spirituelle, cherchent à transmuter les aspects « inférieurs » de l’âme (souvent associés au plomb et donc au « mal » dont la véritable nature serait plutôt les vices, ce qui est vil) en qualités « supérieures » (associées au « bien » bien que cela correspondrait plus aux vertus : l’or). Cela implique un processus de purification, de transformation et d’élévation spirituelle. L’objectif n’est pas d’éradiquer le mal, mais de le transformer et de l’intégrer de manière à révéler une unité sous-jacente.
De la même manière, si on classe les anges et les démons du côté du bien et du mal, la réalité est bien nuancée. Certains démons (qui vient de Daemon en grec : esprit) ne sont pas si maléfiques. Et d’autres anges sont parfois bien plus brutaux. Par exemple, les attributions des Archanges sont certes conformes à la doxa chrétienne, mais pas à la doxa judaïque et kabbaliste. À l’origine, l’Archange Michaël/Michel que l’on attribue au Sud et au Feu dans la tradition chrétienne ; dans le judaïsme, l’ange (car les archanges ne sont qu’une classe existante dans la doxa chrétienne) Michaël est attribué au Sud, à l’Eau et par conséquent à la sphère Chesed dans l’Otz Chiim (Arbre de vie séfirotique dans la Kabbale). Et est très loin de sa version Doreen Virtue/Haziel rempli d’amour et autres naïvetés, c’est un ange brutal et guerrier.
Ainsi, le manichéisme, avec ses racines profondément ancrées dans l’histoire de la pensée humaine, continue d’influencer notre perception du bien et du mal. Cette influence se manifeste tant dans les sphères religieuses que dans les domaines de la philosophie et de la psychologie. La fluidité avec laquelle ces concepts évoluent au fil du temps et des cultures soulignent leur nature intrinsèquement sociale et construite. La compréhension de ces notions, loin d’être figée, n’est-elle pas un reflet de la complexité de la condition humaine et de son incessante quête de sens qui ne doit plus être perçue comme une vérité absolue et universelle ?
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